" Dans le système pénal américain, le ministère public est représenté par deux groupes distincts, mais d'égale importance. La police, qui enquête sur Les crimes, et le procureur, qui poursuit les criminels. Voici leurs histoires. "
Un formula show de forme immuable et d'intérêt inépuisable
Ces phrases d'introduction inaugurent chaque épisode de New York District. Oeuvre remarquable qui, née en 1990, est à ce jour la doyenne des séries dramatiques actuellement a l'antenne aux Etats-Unis. Le contenu de chaque épisode est à l'avenant - direct, précis, sans détours : un crime (le plus souvent un crime de sang, mais pas toujours); une enquête menée par deux inspecteurs (l'un chevronné, l'autre plus jeune); une procédure entamée par le bureau du procureur (le substitut et son adjoint); un procès - parfois; une contre-enquête; un verdict ou un marchandage entre procureur et avocat du prévenu. A première vue, cette construction quasi immuable (le nombre d'épisodes construits sur un autre schéma, au cours des neuf années que compte actuellement la série, est inférieur à dix) peut paraître répétitive et vouée a un essoufflement inévitable. Il n'en est rien. L'intérêt narratif de New York District ne s'est pas atténué avec le temps, bien au contraire. Inspirés par des cas ou des situations réelles, les scénaristes, avec une maestria et une rigueur exceptionnelles, renouvellent sans cesse leur propos : l'opposition entre règles et réalité, entre la morale et la loi.
Des personnages au service des scénarios
Comme ceux de Mission Impossible, les personnages récurrents de New York District restent relativement mystérieux aux yeux du téléspectateur : on ne les voit pratiquement jamais chez eux, on sait peu de chose sur leur vie personnelle, et leurs relations se cantonnent presque exclusivement à leur vie professionnelle. La distribution a change au fit des années, mais les personnages comptent moins que ce qu'ils représentent l'ordre et la loi, certes - le titre original, Law & Order, est bien plus représentatif que le titre français -, mais aussi des valeurs individuelles qui teintent inévitablement le sens d'une enquête ou d'une procédure. De fait, policiers et procureurs se comportent comme chacun de nous, débattant souvent entre eux de valeurs morales autour de la relativité des crimes. Soulignant ainsi la complexité de telle ou telle situation criminelle, ils stimulent la réflexion des spectateurs. De la mort d'une jeune femme par faute médicale a l'explosion d'une bombe dans un centre d'interruption de grossesse, du procès d'une ancienne gauchiste accusée d'un hold-up perpétré vingt-cinq ans auparavant aux mauvais traitements subis par des enfants autistes, les " cas " présentés ne son jamais simples, et jamais traités de manière manichéenne. Peu d'affaires tournent autour de criminels patentés. Ici, l'assassin peut être une mère de famille, une étudiante, une société réputée. La victime est un bébé noir de quelques mois, un grand industriel ou un sans-abri.
Des scénarios constamment captivants
L'une des grandes qualités de New York District est sa capacité à décortiquer les apparences. Beaucoup d'histoires commencent de manière banale. Puis les coupables apparents se révèlent eux aussi victimes, et les responsabilités réelles donnent lieu a des débats vertigineux. L'histoire ne s'arrête pas a l'inculpation d'un assassin, fût-il identifié avec certitude. Les avocats de la défense recourent à tous les moyens (et en particulier aux vices de forme) pour exclure telle preuve, telle déclaration, tel témoignage; ils savent user des insuffisances de la loi, ou de son retard sur la réalité pour contester la culpabilité de l'inculpé : si le crime n'est pas mentionné dans le Code, y a-t-il crime ?
De leur côté, les procureurs (Ben Stone, tourmenté et hypermoral; Jack McCoy, écorché et avide de justice; ainsi que leur supérieur, Adam Schiff, réaliste et avisé) tentent d'éclaircir les zones d'ombre de chaque affaire, d'identifier le ou les responsables et d'obtenir qu'ils soient punis. Ils ne se comportent pas comme de simples exécutants, mais comme des citoyens guidés par leur morale dans l'application de la loi.
Un regard sur le monde d'aujourd'hui
Par ses scénarios verrouillés, sa cinématographie dépouillée, sa distribution et son interprétation toujours justes, et par ses exigences narratives - chaque ligne de dialogue compte; jamais de happy end, - le propos de New York District dépasse largement son cadre. Le tournage sur la côte est, en décors naturels, renforce l'authenticité des thèmes abordés : les conflits familiaux ou ethniques, les inégalités sociales, la responsabilité individuelle et collective - celle des professionnels, des sociétés, des politiciens, celle des parents a l'égard des enfants, celle des forces de l'ordre ou des membres du barreau. C'est donc une série majeure, qui apostrophe le monde et tente, avec humanité et obstination mais sans complaisance, de donner du sens à la violence humaine. Autrement dit, une oeuvre de portée universelle.
MODE D'EMPLOI
La série peut se voir dans n'importe quel ordre. La majorité des épisodes méritent plusieurs visions successives. Trois épisodes sont des crossovers avec la série Homicide. |